Sylvain BEUF (1992)
Lauréat en 1992
©photo PdC
Saxophoniste (alto, soprano, ténor) et compositeur français (Paris, 6-4-1964).
Son frère aîné joue de la clarinette et lui donne envie de jouer d’un instrument plus « tordu », le saxophone. Ce sera l’alto. Il a onze ans. Après des études classiques, jusqu’à vingt ans, et un double premier prix, à partir du milieu des années 80 commence un apprentissage sur le tas avec des musiciens aussi expérimentés que, pêle-mêle : George Brown, R. Barretto, G. Badini, R. Urtreger, A. Jean-Marie, C. Guilhot, R. Del Fra, A. Romano, D. Humair, H. Sellin, G. Beck, etc. La plupart ont pour caractéristique un amour et une pratique exemplaires du bebop post-parkérien. On rencontre également Beuf non seulement au rayon des anches des grandes formations (comme la Gérard Badini Super Swing Machine ou le Dodécaband de Martial Solal), mais encore au milieu d’une section de cinq saxophones, Milky Sax. Il est aussi le soufflant pilier du groupe Océan que dirigé la harpiste Isabelle Ollivier. Cette période se conclut par sa participation active à des disques d’Hervé Sellin (avec Branford Marsalis), des frères François (b) et Louis (dm) Moutin et d’un groupe plus marqué par la fusion, Inlandsis, et surtout par la mise sur pied de son propre quartette avec Bojan Zulfikarpasic, Christophe Wallemme et Stéphane Hùchard. L’écriture de plus en plus fréquente de thèmes originaux et d’arrangements le pousse sur une voie plus personnelle, couronnée par le prix Django Reinhardt (1993) et marquée par la publication de son premier album en leader : « Impro Primo ».
Servi par une sonorité aussi séduisante que celle de son premier maître Stan Getz, Sylvain Beuf pose d’autant plus sûrement lés marches qui le conduisent à l’originalité qu’il le fait lentement, sans à-coup ni rupture. De la langue bebop de ses débuts - elle reste son idiome de prédilection, il a retenu, comme bien des musiciens de sa génération, le souci primordial de là construction et de la lisibilité d’un discours toujours harmonieux et maîtrisé. Toutefois cet héritier naturel des grands tenants de la décontraction apparente - Dexter Gordon en particulier - s’est ouvert à des phraseurs plus torturés - Coltrane et Rollins bien sûr. Sans jamais les imiter, il infiltre ses solos d’une véhémence contrôlée, en particulier au soprano, qui s’apparente à une libération. La « musique européenne improvisée » s’enrichira de cet incontestable apport où le souci du chant ne quitte jamais les pointes paroxystiques.
François-René Simon
Three Fishes In Soft Water (Sellin, 1990) ; Toutes directions (Moutin, 1991 ) ; Delta (1993).